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Les Roises d'Aulnois

Autrefois le chanvre était dans nos contrées une source essentielle de fibres textiles destinées à la confection de toiles et de cordages. Le chanvre (cannabis sativa) est une plante annuelle de grande taille, poussant sur une tige, sa culture était très répandue et les chanvrières (ou chanvières) se situaient le plus souvent près des habitations, entre vignes et vergers.

Pour séparer les faisceaux de fibres on pratiquait le rouissage, qui consistait en une immersion plus ou moins longue de la tige dans l’eau afin de ramollir les longues fibres. Cette opération se faisait dans des endroits appelés roises. Le plus souvent situées en bordure de rivière comme à Vignot, ou en bordure de ruisseau comme à Commercy ou Euville, il arrivait que les roises profitent de l’eau pure d’une source comme à Aulnois sous Vertuzey.

Les roises consistent en une succession de trous en forme d’entonnoirs ou de rectangles. La plupart des villages disposaient de telles structures communales, la communauté en assurait la répartition entre les familles.

A ma connaissance dans la région seules les roises de Lucey sont encore visibles, elles se situent au-dessus du village et montrent des trous en entonnoirs. Euville possédait aussi des roises qui se situaient à la sortie Est du village, dans les pâquis communaux, sur la rive gauche du ruisseau d’Aulnois, comme en témoigne le plan Napoléon de 1830 :

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Les roises d’Euville

(la série de rectangles bleus)

Les roises d’Aulnois sont très particulières car le rouissage se faisait à partir de sources. L’ensemble du site a de très beaux restes et on pourrait aisément à moindres frais le rendre visitable. Cela en ferait une originalité unique en Lorraine et d’un intérêt exceptionnel pour notre mémoire collective.

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La parcelle communale qui abrite les sources, entre Euville et Aulnois

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La parcelle vue par le haut, les sources sont en bas du terrain à gauche

Situation des roises sur le territoire

Juste au-dessus de ces sources se trouvait le chemin qui reliait Euville à Aulnois avant que la route actuelle ne soit construite (on peut encore en deviner le tracé dans les champs cultivés). On dit que les matériaux de l’aile ouest de l’abbaye de Rangéval sont passés par ce chemin puis par le Chemin des Bœufs avant de servir à la reconstruction de la Malterie d’Euville.

Trois sources sourdent en bas du coteau sur un arc de cercle d’une dizaine de mètres, elles ont creusé une dénivellation profonde de presque un mètre avant de former un lit de 6 à 7 mètres de largeur.

Il y a deux sources libres, au centre et à gauche et une troisième à droite qui est captée par un réceptacle en pierre avec des escaliers, l’ouvrage se remplit et abonde le lit voisin. Les trois sources s’entremêlent et ont un débit qui varie avec les saisons. En période d’étiage, seule la source centrale débite, bien que je l’aie vue pratiquement tarie à l’automne 2020, pour la première fois.

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La source de gauche sourde sur plusieurs mètres

La source de droite est captée par un réceptacle

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Le lit descend sur une centaine de mètres puis bifurque à l’ouest, peut-être creusé à la main pour  ne pas se mélanger avec le trop-plein d’une autre source voisine dite de la Fontenelle. Le lit comporte en son milieu une enfilade de grosses pierres taillées comme des bornes, dont quelques-unes sont encore intactes, et qui dépassent du fond de un mètre. Elles sont trouées au quart haut pour que l’on puisse y introduire des madriers de bois, comme on le voit sur les pierres qui ont clôturé les premiers enclos dans les prairies. Il est probable que ces madriers servaient à l’égouttage  du chanvre.

A l'époque de son utilisation, l'ensemble du site devait être en pleine lumière et donc exempt de toute végétation.

La première partie du lit comporte une cinquantaine de pierres espacées de 2,10 mètres. La seconde partie compte une vingtaine de pierres espacées de 2 mètres. Au bout on devine les restes d’un ouvrage sans doute équipé d’une vanne et destiné à réguler la hauteur de l’eau. Ces roises comportaient donc 70 emplacements, ce qui suppose qu’elles étaient utilisées à la fois par Aulnois et par Vertuzey, dépendant du même seigneur. Ces deux villages devaient donc compter 70 feux. Par ailleurs, l’abbaye Prémontraise de Rangéval possédait à Aulnois trois moulins alimentés par des retenues d’eau sur le ruisseau, on peut voir encore aujourd’hui deux de ces structures.

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Un premier alignement de 50 pierres depuis les sources

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Un second alignement de 20 pierres dans le pré

Plusieurs pierres sont très bien conservées

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La plantation d'aulnes

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La présence de cresson témoigne de la qualité de l'eau

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Des pieds de populage poussent à proximité

Comme je l’ai déjà suggéré en 2012 lors de conférences sur Aulnois, Vertuzey et Ville Issey (accompagnées d’une publication), un aménagement du site est tout à fait envisageable. Le premier lit pourrait être curé sur deux mètres de chaque côté des pierres, en ramenant la vase contre les berges. Le second lit pourrait être libéré des épines qui le bordent. Le sol pourrait être nettoyé sous la plantation d’aulnes. La partie ouest du terrain pourrait être réaménagée en prairie. L’accès se ferait depuis la route avec un petit parking et des passerelles piétonnes sur les deux ruisseaux. Une clôture anti-gibier serait sans doute indispensable pour préserver ces aménagements.

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Nul doute qu’une communication appropriée amènerait de très nombreux visiteurs, d’autres centres d’intérêt existant sur place avec notamment la mairie Ecole de Nancy d’Euville et le site exceptionnel des Carrières.

René Maillard

septembre 2020

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