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Les bois de Menton

Une page d'histoire

Cette forêt est située sur le territoire de Sorcy-Saint-Martin. Les anciens propriétaires étaient les seigneurs de Sorcy dont a fait partie la famille De Choiseul, arrivée dans la seigneurie en 1591 par mariage de Maximilien de Choiseul avec Christine du Châtelet. Ayant accumulé les dettes, les Choiseul se résolvent en 1777 à vendre leurs biens, dont fait partie le bois de Menton, à Pierre Randon de Pommery, qui réunit alors toutes les seigneuries de Sorcy : le Gros château, le Petit château, le château Emmi, le château Bas et le nouveau château de Saint Martin, ainsi que les terres, prairies et bois.

Randon de Pommery revendra en 1787 au suisse Jean Isaac de Thélusson. Les Thélusson n’auront de cesse d’acquérir un grand nombre de petites parcelles qui jouxtent Menton. En 1835 le bois sera acheté par Monsieur Dumet, Comte De Rosnay, pour 369 ha de bois et 30 ha de terres. Les Rosnay continueront l’acquisition de parcelles.

L'achat par Euville

Les Rosnay mettront en vente leur propriété et en 1888, la forêt de Menton sera achetée par la commune d'Euville, l’acte définitif datant du 12 juillet 1887. Il s’agit d’une vente à la bougie, c’est le maire d’Euville, Claude MARTIN, qui se déplace et qui, dit-on, dépose l’argent en francs or à l’allumage des feux, alors qu’il n’y a pas d’autres amateurs. L’achat concerne environ 380 ha. Il en coûte 220 000 francs de l'époque, plus 20 900 francs de frais, soit environ l'équivalent de ce que coûtera 4 ans plus tard la construction de la nouvelle église à deux clochers d’Euville. Comme ses illustres prédécesseurs, la commune a par la suite acquis nombre d'autres parcelles jouxtant la carrière.

Dès la fin du bail Esselin, en 1890, Euville reloue à Léon Thomassin

Plusieurs noms évocateurs

Ce massif forestier se situe entièrement sur le ban de Sorcy et longe une bonne partie du territoire de Vertuzey, puis une petite partie des bois d’Aulnois puis une partie du Hazoy sur territoire de Boucq. Il se situe à environ 6 km du centre d'Euville. On peut l'aborder par Aulnois, par Vertuzey ou par Sorcy Cité.

Le nom de cette forêt évolue au fil du temps. Sur les cartes Cassini de 1759, ce massif est appelé Bois du Roy, il est constitué des bois de Sorcy, Dommartin, Troussey, Pagny, plus les parties de forêts y attenant de Corniéville, Aulnois et Vertuzey. Il est à noter que, sur les mêmes cartes, on trouve le Bois de la Reine, dans sa dimension actuelle. Plus tard on aura le Bois du Prince, qui contourne le Bois du Roy entre Aulnois et Dommartin. Les deux massifs communiquent par une bande qui part du plateau derrière Rangéval et descend jusqu’à la plaine au nord de la ferme de la Duchesse. Sur une carte levée par les Officiers du Corps d’Etat-Major en 1835, Menton est englobé dans le Bois du Hazoy. Sur les cartes d’état- major récentes, on parle des Bois du Château, le lieudit Menton étant réservé à la carrière de chaux. Pour les euvillois, cette forêt s’appelle simplement Menton.

Un plan de 1783

Un plan géométrique du comté de Sorcy et Saint Martin a été établi par Naudin en 1783, à la demande de Pierre Randon de Pommery. Menton s’écrit alors Manton, ce lieudit ne comporte pas de forêt et se limite à un arc de cercle qui part du chemin de Boucq et rejoint le territoire de Vertuzey dans le prolongement de la ligne Madame. Manton est longé par le chemin de Commercy à Toul. Entre Manton et la forêt se trouve le lieudit Ferme de Manton. La forêt longe le territoire d’Aulnois, appelé alors Vassimont par son dernier seigneur.

Descriptif de ces bois

Un plan établi en 1838 montre une remarquable architecture de ce bois, découpé en 30 cantons pour une superficie de 382 ha, auxquels s'ajoute hors forêt une partie de terres, pins sylvestres, bouleaux et diverses essences, pour environ 28 ha. Ce plan indique le nouvel aménagement pour les trente ans d’exploitation à venir. Sur ce plan figure l'indication pour chaque canton de sa dénomination et de son année d'exploitation. La forêt a une longueur de 3200 m, avec une orientation du sud-ouest au nord-est, elle mesure 1700 m dans sa plus grande largeur. Elle se découpe en 4 séries séparées par les routes Amable, Madame et Monsieur, traversées en perpendiculaire par le sentier du Prince, par la route Saint Martin que prolonge la route des Gardes, par la route Lorence que prolonge la route Verte, par la route Ronde, et sillonnée par le chemin à la route Monsieur, le chemin blanc et le chemin de la croix Simon. Presque chaque canton a son nom. Ces noms sont assez évocateurs pour que je vous les énumère : Les Ruty, Les Grands champs, La Fontaine, les Blainsards, Route des Gardes, Route Amable, Côte Simon, La Route Ronde, Sur Menton, Sentier du Prince, Le rendez-vous, Chemin Blanc, Route Verte, Anvers, Vallée Simon, Le Nettoiement, Sur Sorcy, Fort Saint Georges, Saint Martin, Les Terriers, Route Lorence, Chemin des Mares, Borne Saint Nicolas, La d'Aigremont, Sur Sampigny.

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La baraque de chasse

Jusque dans les années 1980 a existé une grande baraque de chasse construite en planches au bord de la ligne Madame, sur le plat, entre la ligne des Gardes et "Les cinquante escaliers". La baraque comportant une grande salle avec une cuisinière, des tables et des bancs, la salle donnait accès à un bucher toujours bien garni. Sur le fronton de la baraque on pouvait voir l'inscription "0 20 100 0" qu'il fallait lire "Au vin sans eau". Les jours de chasse en arrivant le matin, on allumait la cuisinière ainsi qu'un feu devant la baraque, de l'autre côté de la ligne, sous les grands hêtres. A midi, chacun était organisé pour réchauffer sa gamelle sur la cuisinière ou cuire sa viande sur je feu.

La croix Simon est très connue.  En abordant la forêt depuis Aulnois par le Moulin de Villers, elle se trouve justement à l’intersection de la Route Verte et du chemin de la Croix Simon. La croix est finement décorée et on peut y lire :

ICY A ETE

DECEDE LE

CORPS DE CLA

VER SIMON LE

22 NOVEMBRE

DE L'AN 1746

PRIE DIEU

POUR LUI

Un grand merci à la personne qui a nettoyé la croix en ce début mars 2016, alors que je m’apprêtais à le faire et m’étais déplacé avec le matériel adapté, je l’avais déjà toilettée en 2009. Resterait à couper le charme qui a poussé à quelques décimètres de la croix, menaçant un jour de la détériorer. Avis à la commune et au garde de l’Office National des Forêts …

Exploitation et rapport financier

Pendant longtemps Menton a été la plus belle hêtraie d’Euville, si l’on excepte quelques plus petites coupes aux Carrières. A ce titre, dans le cadre d’une exploitation traditionnelle comme elle a été pratiquée jusqu’aux années 1980, la vente des coupes a rapporté à la commune des sommes conséquentes et des affouages de qualité ont pu être délivrés aux habitants. On peut noter cependant que l’exploitation, pas assez rapide ou intensive, a laissé plusieurs coupes trop vieilles, notamment dans la grande série, et les arbres ont alors donné de trop nombreux chablis. Malgré tout, dans les années 1970 et 1980, la forêt a heureusement profité de plusieurs programmes de replantations de hêtres. Je dis heureusement car la tempête de 1999 a finalement anéanti pratiquement toute la forêt, qui est aujourd’hui et pour un très long temps incapable de production. Sans compter, évidemment l’avancement rapide de la carrière.

Un autre revenu est celui des locations de Chasse, aujourd’hui non négligeable. Déjà cinq générations de chasseurs euvillois ont chassé à Menton.

Autre source de revenus, et non des moindres : la location de la carrière. Dans le compte administratif de la commune d’Euville pour l’année 2015, sur un total de 270 400 € de revenus immobiliers, 148 800 € proviennent de la location des Fours à Chaux (soit 55 %) et 44 400 € (soit 16 %) proviennent de la location des carrières de pierre. Il y a quelques décennies, les chiffres étaient inversés.

Etant adjoint au maire de 1983 à 1989, j'avais la responsabilité de la forêt communale et à ce titre, j'ai participé à un important programme de plantation de hêtres, dans les coupes 20 et 21. Les bandes de plantation avaient été mises à blanc par les affouagistes et le travail de distribution avait été considérable.

La photo montre ces plantations, qui ont trente ans.

Tempête et surexploitation ont eu raison de plusieurs coupes, comme ici la coupe 5 entre la ligne Madame et la ligne Monsieur

Les fours à chaux

Pour rédiger ce paragraphe, j’ai largement puisé dans le magnifique ouvrage de François Dosé : « Sorcy ses usines à chaux sa Cité disparue Â», 2014, Dossiers Documentaires Meusiens. Merci François.

Dans les années 1880, on trouve déjà à Vertuzey un habitant qui exploite un four à chaux sur le site de Menton. En 1884, la comtesse de Rosnay consent sur la carrière de Menton, pour environ 1 hectare, un bail de 6 ans (1884-1900) au carrier Esselin, entrepreneur à Sorcy. Dès la fin du bail en 1890, la commune d’Euville loue la carrière à Léon Thomassin. (Celui-ci est euvillois, originaire de Pagny sur Meuse, son ami Léon Florentin – alias Michel Bastien - lui dédiera son livre sur L’Histoire d’Euville, Léon Thomassin, élu au conseil municipal d’Euville en 1896, deviendra adjoint en 1912 et maire en 1919, remplaçant alors Evariste Maillard).

En 1901, un entrepreneur de travaux publics et un commerçant de Nancy (Lefort et Renault) achètent les carrières et les fours situés entre Sorcy village et Sorcy gare, ainsi que la société Cuquenelle & Lhôtel et ses biens.  Parallèlement, ils obtiennent l’autorisation préfectorale pour mettent en service quatre batteries de 8 fours le long du canal, et, pour la carrière, ils signent un bail avec la commune d’Euville, pour la période 1902-1908. Léon Thomassin a abandonné ses droits à Lefort et Renaud mais il reste encore un an exploitant de la carrière à leur profit, de plus, à titre d’entrepreneur indépendant, il devient le maître d’œuvre des 16 premiers fours et est responsable de la carrière.

Fin 1903, toutes les propriétés Lefort et Renaud sont reprises par le sidérurgiste De Wendel dont l'activité se trouve en Lorraine annexée par l'Allemagne. Les fours à chaux De Wendel prospèreront pendant 70 ans, avec de nombreuses évolutions menées à bien : amélioration constante des fours, modernisation des équipements, bien-être des ouvriers avec la création d’une cité ouvrière pourvue d’un économat, d’une maison commune, d’une chapelle, d’équipements sportifs, etc …

Puis ce sera Sacilor de 1973 à 1984, puis Unimétal de 1985 à 1987. Le groupe belge Lhoist rachète l’usine le 1er octobre 1987, alors qu’il exploite déjà depuis 1928 les fours à chaux de Dugny, et obtient un bail de longue durée par la commune d’Euville (99 ans) avec une concession qui va jusqu’au Hazoy, tout à l’extrémité de la forêt de Menton. L'exploitation est alors menée bon train. En 2007 la clôture qui délimite l'emprise, après mise à blanc des bois, est arrivée à la Ligne des Gardes. A ce jour, la surface représentant l'emprise de la carrière et des cavaliers dépasse largement les 100 ha, soit plus du quart de la forêt, alors que la location à Thomassin concernait 2 hectares 30. L'emprise actuelle de la carrière s'étend sur une longueur de 1700 m dans la forêt et prend jusqu'à presque 500 m de largeur. Il est certain que la forêt continuera de diminuer au profit de l’activité industrielle, qui, après épuisement complet des ressources du sous-sol, laissera des paysages bouleversés et sans rapport pour son propriétaire.

La carrière est exploitée par étages

Le terril avance continuellement et sera plus tard revégétalisé

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