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Utilisation de la pierre d'Euville à Toul

En 2013, j'avais présenté à Commercy et Euville une conférence intitulée "Les carrières de pierre d'Euville". Un membre du Cercle d'Etudes Locales Touloises m'a alors proposé de donner cette conférence à Toul, ce que j'ai fait en janvier 2014, non sans avoir rajouté un chapître sur l'utilisation de la pierre d'Euville à Toul.

 

Toul possède un patrimoine architectural conséquent allant du Moyen-Age à nos jours, riche de bâtiments et ouvrages religieux, civils et militaires. Nous allons découvrir ces monuments en respectant la chronologie de leur construction ou rénovation.

Tour d'horizon

Depuis fort longtemps les pierres de taille utilisées à Toul proviennent de carrières pas très éloignées :

  • Carrières de Viterne, près de Vezelise, produisant un calcaire dur et non gélif datant du Bajocien moyen, cette pierre a été utilisée pour la basilique de Saint Nicolas de Port

  • Carrières de Balain, proches de Nancy, cette dénomination étant utilisée par les tailleurs qui ont restauré la cathédrale

Après épuisement de ces carrières Toul s’est reporté sur les pierres calcaires les plus proches, essentiellement Euville et Savonnière, qui s’associent très bien.

Edifices religieux
Le vieux Toul vu depuis les tours de la cathédrale

Commençons notre exploration par la cathédrale Saint Etienne, édifiée entre les 13éme et 16éme siècles. On la dit construite en pierre de Viterne mais aussi en pierre de Balain. La pierre de Sorcy, celle-là même qu’employa Ligier Richier, a été très utilisée pour la statuaire, comme par exemple dans les autels latéraux (la famille de Sorcy a fourni plusieurs évêques à Toul, à même de bien connaître cette pierre).

Aujourd’hui de nombreuses dalles au sol sont en Euville mais on pourrait penser qu’il s’agit de remplacements au fur et à mesure de l’usure du temps. Sauf que dans le cloître de la cathédrale, à la fin du  13éme siècle, Pierre Perrat, architecte de la cathédrale de Metz, utilise l’Euville, sans doute en connaissance de cause, en soubassement  des murs sous les arcades et sur plusieurs appareillages. Les pierrières d’Euville appartiennent encore à cette époque aux seigneurs de Commercy.

La collégiale Saint Gengoult, également construite entre les 13éme et 16éme siècles, et également en pierre de Viterne, surplombe les toits de la vieille ville.

On y trouve de l’Euville seulement en dallage au sol. A l’extérieur de la collégiale, des aménagements récents près des portes d’entrée ont utilisé de l’Euville en dallage et pavage. C’est le cas du parvis, devant l’ancienne bijouterie Steinbach.

Le cloître Saint Gengoult est construit entre 1510 et 1530, de style gothique flamboyant pour les arcades et voûtes, de style renaissance pour les extérieurs. Le sol de la galerie est en Euville.

Pont et remparts

On poursuit notre périple avec le pont sur la Moselle, à Dommartin les Toul, dont la première construction a débuté un peu après 1600, tout en pierre d’Euville. Le pont actuel a été reconstruit en 1901, toujours en Euville fournie par la Cie Civet.

Viennent ensuite les remparts. L’enceinte romaine fut détruite et reconstruite par Vauban au tout début du 18éme siècle. La construction ainsi que les remaniements du 19ème utilisent la pierre d’Euville en abondance. Les dates de ces remaniements sont gravées dans la pierre : par exemple 1826, 1842.

Approchons nous de la Porte de France, du passage de l’Ingressin Boulevard Aristide Brillant, de la Porte de Moselle, de la médiathèque, toujours en Euville.

Bâtiments militaires

Le système défensif mis en œuvre par Séré de Rivières après la guerre de 1870 comprend, outre un grand nombre de batteries, une douzaine de forts autour de Toul. Le fort de Villey le Sec est un des plus grands de France, le fort d’Ecrouves est également très connu. La pierre d’Euville y est largement utilisée.

La caserne du 516° Régiment du Train se situe à Ecrouves Justice. Les trois premiers bâtiments du quartier Fabvier datent de 1903. Pour le bâtiment principal, les soubassements jusqu’aux appuis de fenêtres, chaînages d’angles, encadrements et bandeaux sont en Euville, la dernière corniche et le fronton sont en Savonnière.

Divers monuments et édifices

Dans les années 1840 et un peu plus, le Canal de la Marne au Rhin et la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg ont largement utilisé l’Euville pour  tous leurs ouvrages d’art, y compris les tunnels.

Dans la gare, seuls les soubassements jusqu’aux appuis de fenêtres et le premier bandeau sont en Euville, le reste en Savonnière.

Plus récemment, le magnifique monument commémoratif de 1870 et monument aux morts Avenue du Colonel Grandval a été édifié dans la plus belle pierre d’Euville, marbrier et statuaire, au grain fin et régulier.

Le Palais épiscopal, construit au 18éme siècle, fut détruit par un incendie en 1939 et reconstruit seulement en 1970. Les grands escaliers qui mènent à la mairie sont dans une belle Euville.

A l’intérieur de la mairie, finement patinés, le bel escalier sans contremarches, ainsi que les dallages des paliers et du hall du premier étage sont en Moulin à Vent, provenant de la dernière carrière exploitée à Lérouville.

Dans la cour, les escaliers qui accèdent à la salle des adjudications, eh oui, ceux-là même que vous venez de gravir, sont dans la même pierre.

Si l’on chemine dans les rues de la ville, on trouve très souvent des bâtisses avec les soubassements en Euville, comme l’ancienne gendarmerie nationale  rue Michatel.

La mode depuis quelques décennies était  aussi à l’utilisation du placage en pierre autour des portes ou des vitrines.

Cathédrale Saint Etienne

Mais revenons à la cathédrale Saint Etienne, qui mériterait un développement plus approfondi. En 1940 un bombardement et l’incendie qu’il a provoqué ont détruit la totalité de la charpente et le haut de la tour sud, celle de droite quand on regarde la façade.

La charpente n’a été refaite qu’à partir de 1980. Par contre,  la restauration de la tour s’est déroulée de 1948 à 1973, par l’entreprise meusienne Hory, sous la maîtrise d’œuvre des Monuments Historiques.

Ces restaurations ont utilisé 3000 m3 de pierre.

Hommage aux tailleurs de pierre d'Euville

 

Les sculptures  étaient taillées sur le parvis de la cathédrale avant d’être hissées à leur emplacement au moyen de treuils fixés sur les échafaudages, puis posées par les équipes de maçons. C’est le cas de la rosace, dont les pièces venaient s’insérer dans un gabarit spécial en zinc, posé sur le sol.

Le maître sculpteur Dominique Bortoluzzi  a dirigé les travaux de restauration pendant 25 années, comme en témoignait son fils Yves en 2012, je le cite : «Mon père a œuvré en toute modestie et professionnalisme pendant 25 ans à la tête de l’équipe de compagnons tailleurs de pierre, maçons, appareilleurs, qui ont sous la direction des Monuments Historiques et de l’entreprise Hory, relevé de ses ruines la tour sud, la rosace, toute la partie comprise entre les deux tours côté droit, remanié les trois premières travées de la voûte au-dessus des orgues, dont il a également sculpté la tribune et sa balustrade. Il a aussi restauré et mis en place dans le transept sud le magnifique retable qui croupissait dans la chapelle adjacente».

Bon nombre des tailleurs de pierre étaient d’Euville et y demeuraient.  Je me souviens de les voir partir tous les matins à vélo jusqu’à la gare de Commercy, et rentrer tous les soirs. Certains de ces hommes  ont travaillé à la cathédrale pendant 10 ou 15 ans.

Parmi eux jusqu’en 1954 était mon oncle François Dal’Zuffo à qui l’on doit par exemple les gargouilles de la façade. Mais aussi Pierre Dewaël  à qui l’on doit notamment le limon tournant des escaliers de la tour sud. Cet escalier comporte 180 marches en pierre de Moulin à Vent, carrière citée plus haut, le limon étant en Euville. La taille d’une marche pouvait demander 2 ou 3 journées de travail à deux tailleurs. On pourrait citer aussi Roger et Christian Theureaux, Joseph Licini, Camille Mathius, Roland Henry et bien d’autres encore.

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