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L'ancienne cure d'Euville

Euville présente la particularité de posséder trois presbytères, tous trois étant désaffectés. Le premier est la cure occupé par un moine Prémontrais de Rangéval ayant fonction de prieur-curé et  qui desservait la paroisse. A la fin de la Révolution (an VII) il fut vendu par son propriétaire, le Conseil de Fabrique paroissial. Le second presbytère est une maison achetée quelques années plus tard par la commune pour y loger le nouveau curé, il fut vendu à la mort de son dernier occupant, l'abbé Grandpierre. Le troisième presbytère a été construit par la commune dans la rue Jeanne d'Arc, au début des années 1880, il a été vendu un bon siècle plus tard après le décès de l'abbé Hablot à la fin des années 1980.

La cure au 19° siècle

Un extrait du Plan Napoléon de 1832 situe bien les contours de la maison curiale et de ses jardins, qui descendaient sur la vallée de la Meuse, en allant jusqu’à la descente des Clos (qui était l’ancien chemin allant à Ville Issey par la prairie). On y voit, à gauche de la rue, les quatre maisons qui seront plus tard achetées et démontées par la commune pour construire la nouvelle mairie dans le style « Ecole de Nancy » et sa place. On y voit aussi l’agrandissement réalisé en 1603 avec ses propres deniers par le prieur-curé Jean Louys, originaire d’Euville. Cette construction aboutit sur la rue Saint Jean (aujourd’hui rue Jeanne d’Arc) mais préserve la cour d’entrée et l’enclos du pressoir, partie sur laquelle sera construit en 1840 le bâtiment dit aujourd’hui « maison Perron ».

Première propriétaire privée de l’ancienne cure, la famille Simonin est restée dans les lieux jusqu’en 1892, date à laquelle Charles Simonin, cabaretier et marchand de vin, vend à la famille Gérard. Charles Simonin est une figure d’Euville, il est conseiller municipal en 1874, maire de 1878 à 1884 puis de nouveau conseiller jusqu’en 1896, on lui doit la construction du dernier presbytère, rue Jeanne d’Arc.

Extrait du plan Napoléon de 1832, montrant l'emplacement de la cure au milieu du village

La cure au 20° siècle

Les Gérard tiendront une épicerie-bistrot-tabac comme l’atteste une carte postale ancienne portant sur le mur l’inscription « Café Epicerie ».

Une autre carte postale animée datant des années 1910 montre la vitrine des Comptoirs Français, succursale n° 435. Dans les années 1950, une carte postale nous représente elle aussi la cure, bien située au centre du village. Une vue que j’ai prise en 2009 montre la même perspective.

Probablement  au temps des Gérard, la cure avait été séparée en deux immeubles distincts avec des imbrications compliquées et contraignantes, qui perdurent d’ailleurs aujourd’hui, malgré certaines améliorations intervenus en 1938. Ainsi, il semblerait que la cour sur la rue serve d’entrée pour l’immeuble Est, par l’escalier que l’on attribue au convers Pierson, mais il s’y trouve aussi la descente de la cave voûtée qui, elle, appartient à l’immeuble Ouest, il en va de même pour le couloir intérieur.

Le magasin des Comptoirs Français a été tenu par la famille Saint Marre, et, dans les années 1950 j’ai connu les Ambonville, puis ce fut Edith Colonna jusqu’à la fermeture de la chaîne de magasins et la revente de l’immeuble à la famille Perron en 1971.

A la suite de la famille Gérard-Reynel, la cure a été habitée par des héritiers : Lassauge puis Liouville. La partie Est a ensuite été acquise par la famille Martin, qui l’a revendue en 1994 à aux Prunnot.

Acquisition par la commune

Toute la partie Perron a été rachetée en 2009 par la commune avec le projet de démolir l’ancien Comptoir Français, d’aménager la partie de l’ancienne cure et de réaliser une extension des écoles dans les jardins. Le permis pour démonter le rajout de 1840 a été obtenu en 2015 et les travaux ont été réalisés en août 2016.

Après une meurtrissure qui avait duré 70 ans, la façade d’origine de la cure venait d’être reconstituée, sauf la modeste emprise d’environ 1,50 mètre faite pour aménager la place de la mairie. L’occasion était unique de conserver son cachet et son l’authenticité. Mais il ne semble pas que la mairie ou les Bâtiments de France aient fait ce choix, comme en témoigne le plan ci-dessous. De surcroît, le mur de séparation entre les deux propriétés est resté tellement haut qu’il ne permettra pas une vue complète de la façade. Il est cependant possible que ces dispositions ne soient pas encore définitives.

Le projet de l'architecte ne reconstitue pas toute la façade

Le mur tel qu'il a été conservé

La cure par Bernard Génot

L'histoire des prieurs-curés d'Euville et de leur cure a été écrite par Bernard Génot, propriétaire de l'aile sud de l'abbaye de Rangéval. Ses travaux ont fait l'objet en 1986 d'une publication, avec un tiré à part intitulé : "Les prieurs-curés d'Euville", extrait des Actes officiels du 12° colloque du Centre d’Etudes et de recherches prémontrées »â€‹. L'étude a fait l'objet d'une nouvelle édition en 2005.

Le plan ci-dessous a été relevé par Bernard Génot lui-même, avec la permission des propriétaires de l’époque.

Je vous propose de reproduire ici la partie de cette étude qui parle de la maison curiale.

" II semblerait que l'abbaye de Rangéval ait pu patronner une demi-douzaine de cures au début du XIIe siècle.  On ne lui en connaît plus que deux aux XVIIe et XVIIIe siècle : Jouy-sous-les-Côtes  et Euville, auxquelles on doit ajouter Corniéville, qui n'a souvent été qu'une annexe, et Rangéval.

 

Jouy et Corniéville sont dans l'immédiat voisinage de Rangéval, Euville à une douzaine de kilomètres, tout près de la ville de Commercy et du bourg de Vignot, position géographique qui a pu conduire, pour des raisons parfois opposées, à désigner des personnalités marquées pour y remplir la fonction de prieur-curé. C’est ce qui nous a conduit à nous intéresser préférentiellement à cette paroisse.

 

Rappelons que les cures "incorporées" se sont multipliées au moyen-âge parce que ce système assurait un niveau des desservants très supérieur à celui du clergé régulier de l’époque (depuis, le système du concours avait rétabli l’équilibre). Le prieur-curé est nommé par l’abbé (plus tard par la Congrégation Réformée) mais investi par l’évêque qui garde le monopole sur la pastorale. Si certains délais ne sont pas respectés lors de la vacance, l'évêque peut désigner un curé, ce qui fait que dans les périodes troublées, il arrive qu'une cure incorporée ne soit plus desservie par un prémontré.

 

Les prémontrés ont une spiritualité propre et mettent l'accent sur le culte marial et sur la solennité de la liturgie. Leur ministère en subit nécessairement l'empreinte. Sur le plan matériel, ils continuent à faire partie de leur monastère et ils doivent rendre compte des revenus de la cure, dont une partie revient d'ailleurs à l'abbaye. En contrepartie ils profitent de l'entregent de l'abbé et l'abbaye partage avec la commune l'entretien des bâtiments de la cure. Ils sont tout naturellement des intermédiaires qualifiés pour la gestion des autres biens de l'abbaye situés dans leur commune ou dans le voisinage.

 

Euville, 500 habitants au XVIIIe siècle, n'est devenu un village célèbre et prospère qu'au XIXe siècle, par le développement de ses carrières, et c'est ce qui explique qu'à partir de 1890 on ait reconstruit église, presbytère et hôtel de ville, ce dernier dans le style de l'école de Nancy.

 

D'après divers devis de travaux et divers inventaires, il apparaît que l'emplacement et la disposition générale de la maison curiale n'ont pas changé durant les XVIIe et XVIIIe siècle. Le presbytère prémontré, situé 35 rue Jeanne d'Arc (ancienne rue Saint Jean), a été vendu par la commune en l'An VII, l'achat d'un nouveau presbytère, 14 rue Mathelin, sur Deville, a été autorisé en l'An XI, et enfin un troisième presbytère, 53 rue Jeanne d'Arc (ancienne Rue Haute), que ne voulut pas occuper l'abbé Grandpierre, fut construit sur un immeuble acquis en 1879 et a également été reconverti en 1990.

 

Celui qui nous intéresse est indiqué (comme d'ailleurs le suivant) sur le plan reproduit par Dumont. Ce bâtiment, d'une certaine prestance, est malheureusement mi-caché mi-défiguré par une construction annexe du XIXe siècle érigée sur l'emplacement de l'usoir (ou enclos) du pressoir.

 

L'œil est particulièrement attiré par la porte d'entrée, parce que son encadrement a le même profil que celui des fenêtres de l'abbaye de Rangéval (et on s'interroge sur l'intervention éventuelle du convers Louis Demezure), ou encore par un pilier de la porte de la cour. Par ailleurs la voûte de la cave occidentale surprend par son  ampleur et sa qualité, il est vrai qu'elle était en partie au-dessous du pressoir. Enfin on se demande s'il n'y a pas aussi un peu du talent du convers Nicolas Pierson. Ce pourrait être un petit à côté de sa construction du clocher en 1740. Ne croit-on pas retrouver exactement sa technique dans une porte de grange en anse de panier, au bas de la rue Barbette (ancienne Petite Rue).           […..]

On précisera tout de même les "moyens" du curé d'Euville : il ne percevait qu'un tiers des grosses dîmes, les deux autres tiers allant au commandeur de Marbotte (la répartition étant d'ailleurs infiniment plus complexe que ne le laissent penser ces fractions). Il recevait toutes les petites dîmes et bénéficiait d'un "bouvrot" de trois jours de terre et huit fauchées de prés, d'un revenu évalué à 980 livres en 1768. Cette répartition 2/3 - 1/3  des dîmes montre que si les prémontrés étaient collateurs de la paroisse (altare), les templiers en étaient possesseurs (ecclesia)."

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